« Des diables et des saints » de Jean-Baptiste Andrea est un roman captivant qui entremêle passé et présent pour raconter l’histoire poignante d’un pianiste orphelin. Cette œuvre, publiée en 2021 aux éditions L’Iconoclaste, a rapidement conquis les lecteurs et la critique, remportant notamment le Grand Prix RTL-Lire 2021. Son récit, inspiré de rencontres réelles, nous plonge dans un univers où la musique devient un refuge face à l’adversité. Étudions ensemble l’histoire vraie derrière cette fiction bouleversante et les éléments qui ont inspiré l’auteur.
L’écrivain nous plonge dans les souvenirs doux-amers de Joe
Au cœur du roman « Des diables et des saints » se trouve Joseph, surnommé Joe, un pianiste septuagénaire qui joue magistralement du Beethoven sur des pianos publics dans les gares et aéroports. Cette énigme — pourquoi un musicien de ce talent se produit-il dans des lieux si ordinaires ? — trouve sa réponse dans le passé douloureux du protagoniste.
L’histoire nous ramène en 1969, lorsque Joseph, encore adolescent, perd tragiquement ses parents et sa sœur dans un accident d’avion. Ce drame le conduit aux « Confins », un sinistre orphelinat catholique niché dans les Pyrénées. Cet établissement est dirigé d’une main de fer par l’abbé Sénac, secondé par un surveillant général sadique que les pensionnaires ont surnommé « Grenouille ».
Dans ce lieu austère, Joseph fait la rencontre d’autres orphelins avec qui il forme un groupe secret appelé « La Vigie ». Parmi eux, Souzix, Sinatra, Edison, Momo et La Fouine deviennent ses alliés face à l’adversité. C’est également dans cet environnement hostile qu’il rencontre Rose, son premier amour.
La narration alterne habilement entre deux temporalités : l’adolescence difficile de Joseph à l’orphelinat et sa vie actuelle de pianiste itinérant. Cette construction fragmentée révèle progressivement que Joseph joue dans ces lieux publics car il attend patiemment quelqu’un depuis cinquante ans. Cette quête inlassable constitue l’épine dorsale du récit et maintient le lecteur en haleine jusqu’aux dernières pages.
Les personnages de l’histoire se répartissent en deux catégories qui font écho au titre du roman :
- Les « diables » : représentés par les figures d’autorité cruelles de l’orphelinat
- Les « saints » : incarnés par ceux qui apportent lumière et espoir dans ce monde sombre
Cette opposition, que l’auteur qualifie lui-même d’ironique, s’éloigne d’une vision manichéenne pour proposer une réflexion nuancée sur la nature humaine et la résilience.
Mon idée littéraire est née d’une rencontre dans la vie réelle
Bien que « Des diables et des saints » soit une œuvre de fiction, son origine s’ancre dans des expériences bien réelles vécues par Jean-Baptiste Andrea. L’auteur explique que son roman est né de la convergence de deux rencontres distinctes qui l’ont profondément marqué.
La première fut celle d’un lecteur venu partager avec lui des souvenirs de son enfance passée dans un orphelinat. Ces bribes de vie, confiées pendant une vingtaine de minutes, ont laissé une empreinte durable dans l’esprit de l’écrivain. L’orphelinat décrit dans le roman devient ainsi une « version fantasmée » d’un lieu réel dont l’auteur a eu l’écho.
La seconde rencontre déterminante survint à la gare de Clermont-Ferrand, aux premières heures du jour. Andrea y observa un pianiste jouant sur un piano public, image saisissante qui cristallisa instantanément l’idée de son roman. L’auteur raconte que cette inspiration lui est venue « en une fraction de seconde » face à ce tableau insolite.
Cette genèse du roman illustre parfaitement le processus créatif de Jean-Baptiste Andrea, qui s’inspire de la réalité pour construire un univers fictionnel riche et cohérent. Les pianos publics, éléments centraux du récit, possèdent eux-mêmes une histoire intéressante que l’auteur intègre à son œuvre. Il évoque notamment leur origine britannique, à Sheffield, où un propriétaire ne pouvant monter son instrument dans son appartement le laissa dans la rue sous une bâche, invitant les passants à en jouer.
Éléments réels | Transposition dans le roman |
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Témoignage d’un ancien orphelin | L’orphelinat « Les Confins » et son atmosphère oppressante |
Pianiste dans une gare | Joseph jouant du Beethoven sur des pianos publics |
Histoire des pianos publics | Contexte culturel enrichissant la quête de Joseph |
La musique comme refuge et expression dans l’histoire vraie
La musique classique occupe une place prépondérante dans « Des diables et des saints », reflétant la passion personnelle de Jean-Baptiste Andrea. L’auteur confie être « fou de musique classique » et avoir eu « très envie d’écrire sur la musique classique ». Cette passion transparaît dans chaque page du roman, où Beethoven devient un personnage à part entière, un compagnon fidèle qui accompagne Joseph tout au long de sa vie.
Pour le protagoniste, le piano représente bien plus qu’un simple instrument. Il incarne un refuge contre la cruauté du monde, un moyen d’expression quand les mots ne suffisent plus, et finalement, un fil conducteur reliant son passé douloureux à son présent solitaire. La virtuosité de Joseph au clavier contraste avec la simplicité des lieux où il choisit de jouer, créant une tension narrative qui captive le lecteur.
Les compositions de Beethoven parsèment le récit et servent de ponts émotionnels entre les différentes époques de la vie de Joseph. L’auteur utilise les sonates, concertos et symphonies comme une trame sonore qui accompagne le développement psychologique de son personnage principal. Cette approche confère au roman une dimension sensorielle unique, où la musique transcende les mots pour toucher directement le cœur du lecteur.
Jean-Baptiste Andrea a confié : « J’aurais adoré être musicien. Écrire est ma façon de faire de la musique. » Cette déclaration éclaire sa démarche d’écriture, où la construction narrative s’apparente à une composition musicale. Les alternances temporelles, les variations de rythme et les modulations émotionnelles rappellent la structure d’une œuvre symphonique, avec ses mouvements contrastés mais complémentaires.
L’exploration de la musique comme thème littéraire permet à l’auteur d’aborder des questions fondamentales sur l’art, la beauté et la résilience humaine. À travers Joseph et son piano, Andrea nous rappelle que la création artistique peut constituer un acte de résistance face aux épreuves de la vie.