L’affaire Pierre Bodein, surnommé « Pierrot le Fou », illustre l’un des parcours criminels les plus terrifiants de l’histoire judiciaire française.
- Multirécidiviste condamné huit fois entre 1969 et 1996, il devient le premier détenu français à recevoir une perpétuité réelle.
- Durant l’été 2004, il commet trois meurtres atroces en Alsace, ciblant des victimes âgées de 10, 14 et 38 ans.
- Son profil psychiatrique complexe révèle un manipulateur capable de simuler des troubles mentaux graves, qualifié de « calculateur démoniaque ».
- Malgré ses multiples recours judiciaires, sa condamnation historique à la perpétuité incompressible reste maintenue.
Pierre Bodein, surnommé « Pierrot le Fou », compte parmi les criminels les plus redoutables que la France ait connus. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible pour trois meurtres commis en Alsace durant l’été 2004, il est devenu le premier détenu français à recevoir une peine de perpétuité réelle. Son parcours criminel entremêle troubles psychiatriques, manipulation et brutalité extrême. En analysant les preuves ADN et les témoignages, j’ai rarement rencontré un cas aussi glaçant dans ma carrière. La terreur qu’il a semée en Alsace a laissé des cicatrices profondes, particulièrement chez les familles des victimes dont la douleur persiste malgré les années.
Le parcours criminel d’un tueur multirécidiviste
Né en décembre 1947 à Obernai dans le Bas-Rhin, Pierre Bodein grandit comme le onzième enfant d’une famille de seize, issue du milieu des vanniers sédentarisés. Son histoire avec la justice débute tôt et s’intensifie rapidement. Entre 1969 et 1996, huit condamnations successives jalonnent son parcours, pour des crimes de gravité croissante : vol simple, coups et blessures, agressions à main armée, viol et tentative de meurtre.
L’année 1992 marque un tournant décisif lorsque Bodein s’évade d’un centre psychiatrique d’Erstein par un vasistas. Pendant sa cavale de trois jours, il enchaîne les actes criminels : prises d’otages, viol, braquages d’une banque et d’une armurerie, et tirs sur des policiers. Ces événements lui valent son surnom médiatique de « Pierrot le Fou » et une condamnation à vingt ans d’emprisonnement en 1996.
Après avoir passé plus de la moitié de sa vie entre prison et hôpital psychiatrique, Bodein obtient une liberté conditionnelle le 15 mars 2004. À peine trois mois plus tard, il commet les crimes qui le conduiront à une condamnation définitive. Ce profil de récidiviste chronique illustre parfaitement ce qui peut transformer un homme en prédateur récidiviste, malgré les nombreuses interventions judiciaires et médicales.
Les crimes atroces de l’été 2004
Durant l’été 2004, une vague de terreur submerge l’Alsace. À quelques semaines d’intervalle, trois femmes disparaissent : Jeanne-Marie Kegelin, 10 ans, Julie Scharsch, 14 ans, et Hedwige Vallée, 38 ans. Leurs corps sont retrouvés dans différents ruisseaux du centre de l’Alsace, tous présentant des caractéristiques similaires : dénudés, mutilés et lacérés, particulièrement au niveau du bas-ventre.
Les examens médico-légaux révèlent que les deux jeunes filles ont subi des violences sexuelles avant d’être assassinées. L’élément déterminant de l’enquête survient lorsque l’ADN de Pierre Bodein est identifié sur le vélo de Julie Scharsch, établissant un lien irréfutable avec les crimes. La garde à vue du suspect confirme les soupçons des enquêteurs, malgré ses dénégations.
| Victime | Âge | Date de disparition (2004) | Lieu de découverte |
|---|---|---|---|
| Jeanne-Marie Kegelin | 10 ans | Juin | Ruisseau en Alsace centrale |
| Julie Scharsch | 14 ans | Juillet | Cours d’eau alsacien |
| Hedwige Vallée | 38 ans | Juillet | Ruisseau de la région |
La population alsacienne vit dans l’angoisse pendant cette période. Chaque nouvelle découverte amplifie l’horreur ressentie. La couverture médiatique intense de l’affaire reflète l’émotion collective face à ces crimes d’une brutalité rarissime, même pour ceux habitués aux scènes de crime les plus troublantes.
Un calculateur démoniaque au profil psychiatrique complexe
Les expertises psychiatriques réalisées sur Pierre Bodein révèlent une personnalité aussi complexe que troublante. Sa capacité à simuler des troubles mentaux graves a trompé plusieurs spécialistes au cours de sa vie. Le psychiatre Michel Patris l’a qualifié de « calculateur démoniaque » après l’avoir examiné, reconnaissant avoir été dupé par sa simulation de maladies mentales.
Les experts s’accordent sur plusieurs diagnostics alarmants : pervers narcissique, psychopathe, personnalité déshumanisée et incapable d’empathie. Pour maintenir sa façade de malade mental, Bodein allait jusqu’à consommer ses propres excréments, illustrant sa détermination à manipuler le système judiciaire et psychiatrique.
Paradoxalement, en détention, il se montre souvent comme un prisonnier modèle, s’adonnant à la peinture et à l’écriture de poèmes. Ce contraste saisissant entre ses comportements extrêmes et ses périodes de calme apparent complique considérablement l’analyse de sa dangerosité. Malgré mes années d’expérience dans l’analyse criminelle, peu de profils m’ont paru aussi impénétrables et inquiétants.
Les tactiques de manipulation
- Simulation de mutisme et d’états végétatifs
- Comportement catatonique face aux médecins
- Auto-mutilations et ingestion de substances répugnantes
- Alternance entre violence extrême et docilité en détention
De la condamnation historique aux recours judiciaires
Le procès de Pierre Bodein s’ouvre le 11 avril 2007 à Strasbourg, devant la cour d’assises du Bas-Rhin. Pendant trois mois, juges, avocats et parties civiles examinent les preuves accablantes contre l’accusé. Le 11 juillet, le verdict tombe : réclusion criminelle à perpétuité incompressible, une première en France pour ce type de peine. Cette décision historique est confirmée en appel à Colmar en 2008, puis définitivement par la Cour de cassation en 2010.
Malgré cette condamnation, Bodein multiplie les tentatives de recours. En 2014, il saisit la Cour européenne des droits de l’homme contre sa peine jugée « inhumaine », mais sa requête est rejetée. En 2019, à 71 ans, il demande la révision de son procès, prétendant disposer d’alibis inexploités. La Commission d’instruction de la Cour de révision rejette cette demande en octobre 2019, considérant qu’aucun élément nouveau ne justifie la remise en cause du verdict.
Actuellement incarcéré à Moulins dans l’Allier, Pierre Bodein continue de clamer son innocence et dénonce un prétendu complot. Il ne pourrait théoriquement pas être libéré avant 2036, après 30 ans de détention, à l’âge de 89 ans. Toute libération future reste conditionnée à l’autorisation de psychiatres et magistrats, une perspective que rejettent vigoureusement les familles des victimes. Leur combat rejoint celui d’autres proches de victimes de tueurs en série qui ont terrorisé différentes régions, notamment la Belgique voisine.
L’association « Fondation Julie », créée par Françoise Holveck, mère de Julie Scharsch, poursuit sa lutte contre la récidive. Ce combat permet à cette famille meurtrie de transformer son absence et sa douleur en action positive pour la justice et la protection des potentielles victimes futures.